Pourquoi est-il si agréable de travailler avec des pastels à l´huile, comment dessiner et mettre en relief un poivron, quell est le prix des couleurs, et Pablo Picasso y serait-t-il pour quelque chose.
Par Anne Turk
Les pastels à l’huile, également appelés craies à l’huile, sont un médium génial : facile à travailler, polyvalent et pratique. Avec des pastels à l’huile de bonne qualité (nous y reviendrons plus tard), dessiner est un vrai plaisir, notamment parce que l’on choisit librement le papier et son style. Vous pouvez donc sans crainte vous mettre au travail avec autant de vigueur et de liberté artistique que Franz-Josef Bettag dans ses portraits fulgurants d’animaux. Ou bien, comme moi, vous prendrez plus de plaisir à un travail de précision, par exemple à une appétissante nature morte. Nous vous montrons les deux dans le numéro actuel (n° 62).
Ce qui me plaît personnellement, c’est que non seulement la main reste relativement propre, mais aussi la table à dessin. Pour estomper, il suffit d’utiliser l’estompe. Contrairement aux craies, la couleur adhère bien au papier. Il n’est donc pas nécessaire de fixer le dessin.
Les études de moindre importance sont tout aussi intéressantes.
Vous connaissez également le poivron par le magazine. J’y ai élaboré le modèle en trois techniques : au crayon, au crayon de couleur et ensuite à l’aquarelle. Voici, à titre de comparaison, le poivron au pastel à l’huile.
Comme vous pouvez le constater, vous n’avez besoin que de pastels à l’huile en noir, blanc et vert, d’un fineliner pour les contours et de bâton d’estompe. Ce dernier assure de fines transitions de couleurs dans l’ombre et la lumière et met en forme le poivron.
Arrière-plan
Vous pouvez néanmoins aller un peu plus loin et contraster le poivron vert avec un fond de couleur saturé : ici, par exemple, avec des tons doucement estompés qui oscillent entrel’orange, le magenta et le violet.
Pourquoi avez-vous besoin de couleurs pour artistes et combien cela coûte-t-il ?
Les pastels à l’huile bon marché pour les enfants et l’école, par exemple de Jaxon, sont disponibles en set de 48 couleurs à partir de 25 euros. Mais il s’agit plutôt de pastels à la cire de type dur, avec de nombreuses substances de remplissage et peu de pouvoir colorant.
Vous aurez plus de plaisir avec des pastels à l’huile de qualité artistique, qui ont toutefois un prix. Les marques haut de gamme les plus connues sont les Oil Pastels de Sennelier ainsi que Neopastel de Caran d’Arche. Chez Sennelier, un set de 48 teintes coûte environ 100 euros, chez Caran d’Arche environ 150 euros. Pour commencer, il est préferable d’acheter un petit set de demi-crayons à moitié prix.
Personnellement, j’utilise depuis de nombreuses années les crayons Neopastel, agréables, souples et aux couleurs vives. Mais mon collègue Franz-Josef Bettag a attiré mon attention sur les pastels à l’huile du fabricant coréen Mungyo. Contrairement à chez nous, cettemarque est très populaire auprès des artistes asiatiques et américains. Moi aussi, j’ai été rapidement convaincue par ces bâtonnets souples et très pigmentés ; vous pouvez voir les résultats ci-dessus dans la nature morte et dans l’étude sur le poivron. Les couleurs s’estompent à merveille avec le bâton d’estompe et peuvent même être gommées sur le papier adéquat. Le prix est également convaincant : environ 45 euros pour le set de 48 crayons.
Malheureusement, les pastels à l’huile pour artistes Mungyo ne sont pas disponibles chez Boesner et Gerstaecker ou chez d’autres revendeurs en ligne ; Amazon vient à la rescousse. Cependant, la marchandise vient des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, ce qui prend près de deux semaines. Et il n’est pas possible de racheter les bâtonnets à l’unité ; les teintes souvent utilisées, comme le blanc, sont rapidement épuisées. Dans de tels cas, on peut acheter des bâtonnets individuels de la gamme Caran d’Arche ou Sennelier, qui peuvent être utilisés sans problème avec les craies grasses coraniques.
Des crayons à huile au lieu de pinceaux ?
C’est ce qui intéressait déjà les artistes impressionnistes à la fin du 19e siècle : ils voulaient utiliser les caractéristiques de la peinture à l’huile sans avoir à fournir les efforts qui y sont liés. En effet, les peintres étaient désormais attirés par la nature, afin d’exprimerleurs impressions en plein air, de manière rapide et directe.
Les pastels existaient déjà depuis longtemps et les artistes de la nouvelle génération comme Édouard Manet et Claude Monet les utilisaient également pour les études de nature et les paysages. Mais les inconvénients étaient évidents : la couche de couleur crayeuse n’adhérait que faiblement, pouvait être effacée involontairement et les fixateurs de l’époque, généralement de l’alcool mélangé à de la gomme-laque, modifiaient l’effet optique.
En revanche, il devait être utile de lier les pigments non pas avec des substances crayeuses, mais avec des substances huileuses, résineuses et cireuses et de les presser sous forme solide. En Allemagne, un certain G. W. Sueßner a déposé un brevet pour ses « crayons de peinture à l’huile » sous la marque Creta Polycolor et a fondé une société de commercialisation. L’idée était bonne, mais le produit décevant. Les liants de l’époque affaiblissaient le pouvoir colorant et les tons ne pouvaient pas être reproduits sur le papier sans altération. Seule la marque Creta Polycolor a été conservée ; aujourd’hui, Staedtler produit toujours ses crayons de couleur sous ce nom.
Le peintre français Jean-François Raffaëlli (1850-1924) eut plus de succès en faisant fabriquer ses crayons à huile à partir de pigments, d’huile, de suif et de beurre de cacao. Le jeune Pablo Picasso, encore inconnu, expérimentait déjà assidûment ces crayons de Raffaëlli, mais ils passèrent vite de mode. Ce n’est que peu après la Seconde Guerre mondiale que les pastels à l’huile refirent leur apparition, désormais déjà dans la qualité actuelle. Il paraît que Picasso, à l’âgé de 70 ans et mondialement connu, n’était plus satisfait des crayons à huile Raffaëlli. En 1949, il a demandé à son ami peintre Henri Goetz d’intervenir auprès du fabricant de peinture Henri Sennelier afin que l’on produise de meilleurs crayons. Selon l’histoire de l’entreprise, Sennelier a alors fait développer les pastels à l’huile modernes. D’autres fabricants,comme Caran d’Ache, l’imitèrent. Et c’est ainsi que ce merveilleux médium a pu conquérir, à côté des pastels, la place qu’il méritait dans l’art amateur – merci à Picasso !